A ce jour, le halal n'est pas en prison un objet de revendication majeur. Il n'est pas aussi central que la demande de culte collectif ou de visite des aumôniers en cellule. Il n'en demeure pas moins, comme dans la société, un enjeu croissant tant du point de vue économique (Riaz et Chaudry, 2004 ; Bergeaud-Blackler, 2012) qu'identitaire (Mintz et Du Bois, 2002). S'appuyant sur une recherche ethnographique sur la religion en prison, commanditée par la Direction de l'Administration pénitentiaire, notre communication s'attachera à analyser comment l'alimentation halal tend aujourd'hui à se constituer en problème croissant au sein de l'institution pénitentiaire et les solutions qui y sont apportées par les différents acteurs concernés.
L'Art. D- 354 du CPP dispose que l'administration est tenue de fournir au détenus une alimentation prenant en compte de leurs convictions philosophiques ou religieuses ». Les règles pénitentiaires européennes vont dans le même sens. Une jurisprudence de la CEDH a récemment rappelé cette obligation juridique. L'administration pénitentiaire française s'est toutefois contentée jusque là d'une prise en compte qu'on pourrait qualifier de « minimaliste » des prescriptions islamiques en matière alimentaire. Des repas « sans porc » (souvent qualifiés de régimes « musulmans » ou « confessionnels ) sont fournis parallèlement aux repas ordinaires. Ces repas qualifiés localement de « musulmans » ou de « confessionnels » se limitent à remplacer le porc par des viandes de poulet ou de bœuf. Ils n'offrent pas de viande halal. Depuis 2007, les établissements ont certes été encouragés à organiser des « cantines » spécifiques (qualifiées selon les établissements de cantines « orientale », « halal », « confessionnelle »). Mais outre qu'elles offrent une gamme de produits hallal limités (surtout les produits carnés), leur coût peut être prohibitif pour une bonne partie des détenus qui du coup ne peuvent y avoir accès. S'agissant du Ramadan, l'administration pénitentiaire a attendu 2007 pour mettre en place un dispositif spécifique.
Nous montrerons comment cette réponse qui ne permet pas d'offrir aux détenus des repas halal subit aujourd'hui les feux croisés d'une contestation interne témoignant d'une montée en puissance de la normativité islamique et d'une critique publique appuyée sur le droit.