Durant sa courte vie (53 ans) Soliman al Haraïri[1], avait passé ses derniers 21 ans à Paris où il était l'un des rédacteurs du « Birgys Barys ». Traduisant en arabe certaines œuvres scientifiques françaises en vogue, il avait, aussi, contribué à traduire en français certaines sources arabes. D'autre part il avait écrit certains épitres et émis certaines fatwas où il prôna des idées audacieuses telle que l'éducation de la femme et l'apprentissage des langues et des sciences occidentales. Bien plus le fait marquant dans sa biographie c'est qu'Il était l'un des premiers savants musulmans à avancer une explication non théologique du monde, des évènements et du progrès.
Il avait émis ses fatwas pour répondre à des situations de confrontation avec la société d'accueil : il montra que la différence entre le Halâl et le harâm est relative en admettant la consommation de la viande des bêtes abattues par des chrétiens, et en permettant au musulman de porter le chapeau à l'européenne ( un demi siècle avant la célèbre fatwa de Mohammad Abduh à ce propos)...Il alla jusqu'à admettrel qu' « il n'est pas seulement permis d'avoir un mécréant ( kâfir ) comme ami, mieux encore il est licite de l'avoir comme souverain... ».[2]A travers ses fatwas il essaya, d'une part, de concilier le passé avec le présent et, de l'autre , de pousser ses coreligionnaires à composer avec l'Occident. Ces fatwas et ces positions audacieuses pour un musulman, savant de surcroit, étaient des formes de compromis qui, d'après lui, faciliteraient l'entente et la compréhension entre les peuples. Il était un véritable « universaliste » : « enfants de la terre, disait-il, nous sommes tous frères ».[3]
Dans ce papier je me propose d'étudier :
- La formation et le parcours de Soliman al-Haraïri, à Tunis puis à Paris. Quelle était sa formation initiale ? Que vient-il faire en France à l'époque ?Qui l'avait accueilli ? ses écrits dans la presse?....
- Les principales fatwas de soliman al-Harïri : textes traduits et annotés de : ‘Ajuibatou-l- hayâra fi ibâhati moutlaqi dhakât al-nasâra (La réponse aux égarés pour la totale permission de l'immolation des bêtes par les chrétiens ), ‘Ajuibatou-l-hayâra an qulnussouatou al-nasâra ( La réponse aux gens embarrassés au sujet du chapeau des chrétiens ), Al-mouhaqqaq fi tahrim al bounn al mouhraq (L'avis vérifié sur l'interdiction du café fortement torréfié )...
- Enfin dans la partie de synthèse je vais essayer de répondre aux question suivantes : à qui s'adresse-t-il en ce moment là ? quel était le public ou la classe sociale ou la communauté cible ? Quel était l'effet de ces fatwas, dans la société d'accueil puis dans le monde musulman ? La portée à court et à long terme de ces fatwas ?
[1] Gustave Vapereau, Dictionnaire Universel des Contemporains, Librairie de L. Hachette et Cie , Paris 1865, p.839-840. (pour le nom j'ai suivi la transcription utilisée dans ce dictionnaire ).
[2] Soliman al-Haraïri, al-Irshâd, Intoduction arabe à la grammaire de Lhomond, Paris, 1857, p. 7.
[3] Ibid., p. 3.