Des années 1980 à aujourd'hui, "tournantes", mariages forcés ou arrangés, excision et polygamie ont été mis en scène dans les médias pour pointer une sexualité qui serait particulière de la part des hommes des quartiers populaires, en particulier issus des immigrations en provenance de pays majoritairement musulmans, quel que soit leur propre rapport au religieux. Nouveaux "barbares", leur approche de la sexualité consttiuerait la femme en objet soumis, tout en se caractérisant par le refus de l'hétérogamie. Cependant, loin de ces images, le cadre dans lequel s'inscrit la sexualité est bien plus subtil. Aussi, nous regarderons comment se construit une sexualité autorisée par le groupe d'origine à travers la nouvelle importance de la référence au halal.
Dans cet article, nous examinerons comment les individus ont évolué depuis les années 1990 dans leur façon de présenter leur rapport à la sexualité légitime tant par rapport au cadre invoqué qu'au type de conjoint choisi. D'un registre mêlant religieux, halal et culturel, nif; les individus tendent aujourd'hui davantage à invoquer le seul référent religieux. Comment expliquer cette évolution ? La dynamique à l'oeuvre est elle uniquement religieuse ? Pour répondre à cela, nous nous concentrerons d'abord sur le passage du halal des parents à celui des enfants avant de voir comment est choisi le conjoint. Finalement, de quoi le halal est -il aujourd'hui le nom ?
Notre propos se fonde sur des observations ethnographiques et une centaine d'entretiens compréhensifs, réalisés en face à face lors de deux enquêtes qualitatives réalisées auprès de descendants de migrants d'origine maghrébine, turque et africaine, grandis dans des quartiers populaires de la proche couronne parisienne. La première, menée auprès d'une cinquantaine d'étudiants dans le cadre d'une enquête réalisée entre 2005 et 2009 a donné lieu à la publication Enfants d'Islam et de Marianne : des banlieues à l'Université (PUF, 2010). La seconde a été réalisée en 2011 dans l'agglomération de Clichy-sous-Bois et Montfermeil, ses premiers résultats ont été présentés dans Banlieue de la République (Gallimard, 2012)