L'expression "halal" est un mot de la langue arabe, devenu plus disponible en discours en Occident que dans les pays musulmans. Dans les pays occidentaux qui accueillent l'immigration musulmane, l'expression halal est aujourd'hui une formule. Nous définissons la "formule" à la suite des chercheurs (Krieg Planque, Faye, Ebel et Fiala) comme "un référent social", c'est-à-dire un signe qui, à un certain moment donné des rapports des forces sociales, surgit dans le langage avec une forte prégnance, de telle sorte que l'ensemble des locuteurs sont contraints d'en faire usage soit pour le définir, soit pour le citer, soit pour le combattre ou l'approuver, mais en tout état de cause de le faire circuler. La formule comme référent social a un effet sociolinguistique impérialiste, car à un moment donné, il sature le débat public, semble faire référence pour tous mais dans la polémique et la conflictualité. Les notions d'usage, c'est-à-dire de circulation discursive, d'espace public, de polémique et de polysémie sont au cœur de la définition de la formule qui est un objet idéologique pluriaccentué et traversé par une guerre d'appropriation du sens.
Au printemps 2012 a éclaté au Québec une forte polémique médiatique, politique, religieuse et identitaire sur la consommation de la viande halal. L'expression «halal» y a acquis un destin formulaire. Nous avons recueilli l'ensemble des discours produits dans ce contexte. L'objectif de cette communication est d'analyser l'actualisation formulaire de l'expression dans ses deux formes morphologiques : l'une adjectivale, l'autre substantivale. Nous illustrerons les actualisations de sens véhiculées par ces variantes morphologiques et montrerons comment elles renvoient à des lieux discursifs, à des postures énonciatives de sujets qui sont «situés» et dont les positions dans l'espace politique, social, intellectuel, religieux et culturel... délimitent des domaines de pertinence et des systèmes de valeurs.