7-8 Nov 2013 Collège de France - Paris (France)
Friday 8
The Enlargement of Halal (2nd Part)
Président de séance Bertram TURNER
› 16:30 - 16:50 (20min)
› Salle Claude Lévi-Strauss
Le helal en Turquie, jeu d'ombres et "réislamisation"
Gérard Groc  1, *@  
1 : Institut de Recherches et d'Etudes sur le Monde Arabe et Musulman  (IREMAM)  -  Website
Université Paul Cézanne - Aix-Marseille III, Université de la Méditerranée - Aix-Marseille II, Université de Provence - Aix-Marseille I, CNRS : UMR7310
5, rue du Château de l'Horloge BP 647 13094 Aix-en-Provence Cedex 2 -  France
* : Corresponding author

Le helal en Turquie ressemble à un grand chantier en cours, plein de considérations argumentées, plein d'interlocuteurs compétents qui, sur des registres multiples, développent à l'envi des perspectives prometteuses et manient pour ce faire nombre de données, références, évaluations dans le but évident de convaincre. Les discours émanent de plusieurs catégories, des plus commerciales aux plus idéologiques, alignent des arguments différenciés des plus triviaux aux plus spiritualistes voire historiques, dans un fourmillement qui ne peut cacher qu'on est dans un processus qui démarre, qui cherche ses repères et tente de poser les jalons d'une extension que l'on sent prévisible.

Les points d'appui du discours sont d'abord l'évaluation d'un marché potentiel (régional, européen et mondial), plus loin la volonté de trouver les termes d'une accréditation fiable voire officialisée (recherche de la meilleure caution, religieuse, hygiénique, entrepreneuriale) ou encore l'idée de mettre sur pied une chaîne de références qui aboutirait certes au produit consommable mais incluerait toutes les phases de sa préparation, conservation, conditionnement, transport etc. (la liste est longue de toutes les dispositions que l'on soumettre au helal). On trouve aussi des positionnements polémiques, en des termes anti-occidentaux, concurrentiels, sanitaires, nationalistes etc. d'où l'on comprend que la Turquie ne fait que débarquer sur ce secteur et constate qu'il y a des places fortes déjà prises non seulement par des partenaires musulmans (la Malaisie) mais aussi par des Occidentaux qui jouent déjà bien le jeu du helal et disposent plus aisément d'outils juridiques ou techniques indispensables pour se construire une caution; or une part importante du marché relève des musulmans émigrés et, pour la Turquie, massivement des colonies turques installées en Europe occidentale.

Trois dimensions de la question, interagissantes, présentent une originalité. La première est que tout ce discours est obligé en Turquie de ruser avec la laïcité et ne peut se faire, dans les prévisions politiques ou réglementaires ou en ce qui concerne l'espace public, directement au nom de l'islam et de l'observance de ses rituels. La deuxième est que le processus actuellement en cours en Turquie est, avec l'aide du gouvernement AKP et de la puissance publique, pourtant associé à une tendance de réislamisation mais qu'il s'étaie principalement sur une approche sociale voire libérale, au nom d'une liberté de conscience, d'entreprendre, ce qui contraint fortement la dynamique. Il apparaît ainsi, souvent dans les villes moyennes de province, fortement associé à une mutation des centres urbains qui, sous couvert d'helal, modernisent en même temps qu'ils réislamisent leurs offre de restauration alimentaire, empruntant au concept à la fois l'idée de tradition, d'hygiène et celle de labellisation. La troisième dimension qui nous intéresse est qu'au coeur de toute cette mobilisation, émerge néanmoins l'impression que le helal n'est pas l'objet d'une demande sociale spontanée, que l'on essaye cependant d'enclencher. Comme si une norme supplémentaire, dans un pays relativement sécularisé et déjà lié à divers types de réglementations, ne représentait pas un enjeu prioritaire.


Online user: 1